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Photo du rédacteurAudrey

Une treizième édition au cœur du Vaucluse pour célébrer une AOC pionnière



Reconnu site remarquable du goût depuis 2006 et une des premières AOC de France depuis 1936, Châteauneuf-du-Pape était le symbole de la solidarité parmi les 2000 habitants de ce célèbre village, réunis pour fêter le printemps du 5 au 7 avril derniers. Situé à flanc de rocher dans le Vaucluse, non loin du renommé fleuve du Rhône, ancienne résidence d’été des papes avignonnais, Châteauneuf-du-Pape conserve encore les vestiges de son château. C’est à quelques pas de là que des centaines de vignerons et producteurs locaux partageaient leur savoir-faire. Nombre de visiteurs, particuliers, œnophiles, épicuriens et professionnels, se sont laissé porter chaque jour à la découverte de ce terroir gourmand. Pour les castels-papals, la convivialité ne se limite pas à tenir un stand de dégustation mais à se réunir ensuite sur la place où un véritable marché gourmand attend les visiteurs pour surprendre nos papilles avec de nombreux produits de terroirs issus du site remarque du goût tels la brouillade à la truffe du Ventoux, l’agneau rôti, les plateaux de fromages et assiettes de légumes méditerranéens, le foie gras du Gers, les ravioles du Royans, de la charcuterie vosgienne, du veau d’Objat, des fraises, … et bien d’autres ! Le sentiment de rejoindre une véritable famille est si fort qu’elle a réussi à réunir près de 8 000 visiteurs le temps du weekend. Ils sont venus déguster les meilleures bouteilles et découvrir les multiples facettes du cépage roi, le Grenache, mais pas que… L’appellation offre la possibilité de combinaisons multiples avec entre autres la Syrah, le Mourvèdre et une dizaine d’autres cépages autochtones (counoise, cinsault, terret, vaccarèse…).



Qu’ils soient sur terroirs de sables, de safres, de galets roulés, d’argiles ou encore de calcaire, chaque vigneronne et vigneron sublimera sa terre par son talent au savoir-faire transmis de génération en génération. Les histoires, ils et elles vous les content tout le weekend. Ce salon est l’occasion de vivre les traditions de ces sublimateurs de terroirs telle la famille Coulon du domaine Beaurenard et leurs cuvées en harmonie avec la nature selon les principes de la biodynamie. Les cuvées de rouges rivalisent avec les blancs, révélateurs eux aussi de terroirs, tout en finesse comme Le Boisrenard avec son parfum d’amande, de noisette et de fleurs fraiches. Le public semble au rendez-vous pour réclamer des vins blancs, en quête de légèreté et de fraicheur par cette chaleur printanière. C’est d’ailleurs sur ce type de vin que s’amuse Grégory Sergent du Clos du Jas, un jeune retraité de l’armée qui s’est installé en 2013 pour révéler des terroirs de sables. Reconverti passionné, il révèle en biodynamie cinq superbes vins qu’il se plait à assembler chaque année. Grégory incarne l’audace de la nouvelle génération vignerons en créant un blanc parcellaire, L’Aspre élaboré à partir de 100% grenache blanc en raisins botrytisés fermentés longuement (jusque 8 mois) au nez épicé, safrané et légèrement miellé. Dégustez son rouge très parfumé et floral issu de vignes centenaires, Lirac 2020, qu’il vendange parmi les derniers de l’appellation ! Partez à la rencontre de l’équipe du domaine de la Barroche qui invite chaque visiteur à faire appel à sa mémoire gustative pour deviner l’assemblage de leur cuvée Mystère, un rouge subtil au nez poivré, un peu animal sur fond de fruits noirs assez juteux en bouche. Avant de sortir du salon, Claire et Hortense vous invitent à imaginer vos accords castels-papals avec la diversité des fromages de l’appellation Comté, partenaire historique de l’AOC. La diversité de terroirs se ressent aussi à travers la qualité des laits produits par les vaches Montbéliardes dans les différentes régions jurassiennes, qui selon les plantes et fleurs digérées donneront cette diversité aromatique au fil des saisons.




Et il n’y a pas que les galets roulés à Châteauneuf-du-Pape, preuve en est avec l’ancien four à chaux à visiter lors d’une marche matinale le long du chemin de halage, qui servait autrefois à brûler les pierres calcaires locales pour en produire de la chaux, d’où l’ancien nom du village « Chateauneuf Calcernier ». Vous voulez ressentir le terroir ? Les équipes de l’appellation ont pensé à tout ! Pour les néophytes, plusieurs sessions animées d’initiation à la dégustation étaient organisées dans un cadre sublime pour enjoliver l’expérience, la chapelle Saint-Théodoric. De l’autre côté, les oenophiles et professionnels ont eu la chance d’assister à une masterclass dédiée à une pratique ancestrale de dégustation, la dégustation géosensorielle, autrefois pratiquée par les gourmets, chargés d’authentifier l’origine des vins. Cette méthode vous invite à oublier l’aromatique et donc votre nez au profit de votre palais pour apprécier les différentes sensations tactiles du vin. Ce toucher passe par la suppression de la vue au moyen d’un bandeau afin de concentrer toute votre énergie sur l’analyse du mélange salive-vin en bouche et apprécier la texture, le toucher en surface et la consistance des cuvées issues de fabuleux terroirs castels-papals. Pour vous aider à retrouver ces sensations tactiles, Georges Truc, animateur de cet exercice et renommé comme « oeno-géologue », invitait chacun à toucher en parallèle du bout des doigts les différences entre le galet roulé, l’argile, le sable, le calcaire et le grès disposés sur la table. Le toucher est un sens extrêmement développé chez l’Homme. En bouche, il représente près d’un quart de nos capteurs sensoriels. Il suffit juste de travailler sa pratique, en effaçant le dictat de la société à privilégier la vue et le nez. Georges Truc, qui fêtait son anniversaire ce jour-là, né le 6 avril 1942, nous a replongé dans ses souvenirs d’enfances passés à la cave de son père où l’égrappoir n’existait pas ni même la Syrah.




Pour mieux comprendre ce lien au terroir, notre professeur nous embarque dans des explications sur les systèmes de transferts entre le sous-sol et la plante. Cette rhizosphère est liée de manière constante à des microorganismes, capables en association avec les radicelles de fabriquer des antibiotiques pour protéger la plante. La vigne est en effet mycorhizée, c’est-à-dire envahie de filaments de champignons, les hyphes, qui perforent la paroi de la cellule de la radicelle et visitent ainsi le sous-sol. Au moyen des hyphes, ils transportent les matières minérales vers les parties aériennes de la plante tandis que les champignons se nourrissent en échange du glucose produit par cette dernière. Pour que cet échange nourricier mutuel fonctionne, il faut bien entendu aucune altération comme par exemple l’application de fongicides : « Si un hyphe détecte un virus, c’est comme le réseau Internet. Par ses filaments, il prévient tout le réseau sous terre et le consortium de bactéries produit des antibiotiques pour se défendre », vulgarise Georges. Le respect de la terre et de la nature avant tout permettra au cépage de devenir messager du terroir.


Michel Blanc, directeur du syndicat de l'AOC Châteauneuf-du-pape
Michel Blanc, directeur du syndicat de l'AOC Châteauneuf-du-pape

Pour jouer l’exercice jusqu’au bout, Michel Blanc, directeur de l’AOC, nous a invités à déguster ces bruts de cuves de manière traditionnelle avec les coupelles en inox connues sous le nom de tastevin, provenant de la plus grande collection de France, située dans la vinothèque de Châteauneuf-du-pape. Cette coupe, la phiale, était aussi utilisée dans la Grèce Antique pour apporter de l’eau à la couleuvre dans les temples, dans le cadre de rituels, une gestuelle portée par la déesse de la santé et de l’hygiène Hugieia. La couleuvre est devenue d’ailleurs un des symboles du caducée dans le monde médical. La dégustation de ces bruts de cuve de grands domaines (domaines de Nalys, de Beaurenard, du Vieux Donjon, du Clos du Cailloux, de Thierry Usseglio…) nous ont révélé des sensations tactiles de soie et de tulle sur certains terroirs de sables tandis que le velours se dessinait sur des profils plus argileux. Le kit « l’étoffe des terroirs », créé par Cyrille Tota, fin défenseur de la dégustation géosensorielle, aidait chaque dégustateur à imaginer en bouche le parallèle tactile avec 8 sortes de tissus.


Infatigable, la nouvelle jeune génération de vignerons de Châteauneuf-du-pape a embarqué le collectif viticole et artisanal dans la soirée spéciale de lancement de l’évènement au cœur de sa sublime vinothèque construite à même la pierre. Le samedi soir, les participants ont remis en marche la sono en spectacle sous les projecteurs pour célébrer jusqu’au milieu de la nuit ce moment de partage telle une paulée en disposant leurs plus belles cuvées sur de grandes tablées. C’est l’occasion pour ces révélateurs du goût de souffler un peu et apprécier les produits des voisins. Des magnums et même mathusalem permettaient de (re)découvrir sous les guirlandes lumineuses printanières de la tente festive des cuvées tels le blanc profond et élégant du domaine de Marcoux, le rouge du Vieux Donjon et de voyager dans le temps à travers des millésimes anciens. Dimanche s’est clôturé avec un accord étoilé mets et vins à sept services, fruit d’une longue réflexion entre vignerons, sommeliers et le chef étoilé Eric Sapet, un menu à découvrir dans le prochain article !




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