Madrid, une capitale à deux heures en avion de Bruxelles, mérite une petite escapade. Passionnée par les vins sud-africains, j’ai décidé cette fois-ci d’ouvrir mes sens et connaissances sur les cépages espagnols. Madrid est une capitale où les petits commerces sont encore très nombreux contrairement à nos villes où la plupart des activités se concentrent dans les centres commerciaux bitumés et dénués de charme. Ici, les petits bars et boutiques sont accolés les uns aux autres et continuent à « vivre ». En se baladant dans les rues, on peut voir une petite boutique par-ci par-là, exposant quelques bijoux ou vêtements tout en se demandant comment font-ils pour vivre. Les bars sont tellement nombreux dans chaque rue que l’on se questionne sur la possibilité d’avoir une clientèle continue. Et pourtant, l’affluence est toujours là. On sent la chaleur humaine, les échanges, le contact dans les rues, dans chaque quartier. Les gens se baladent, se croisent, prennent le temps de flâner dans les quartiers à la douceur méditerranéenne. Ils prennent du plaisir à se retrouver et savourer quelques spécialités locales, notamment leurs tapas et leur jambon omniprésent. Pourquoi encore une telle proximité de ces petits commerces en plein centre-ville ? De mon point de vue, la circulation et le stationnement étant difficiles en voiture, la plupart des locaux ont fait le choix d’être piétons. Et finalement, être piéton, c’est privilégier le contact humain, l’envie de s’arrêter dans la rue pour un café ou un achat et donc les échanges ! J’ai l’impression de revivre mon expérience humanitaire en Afrique… les madrilènes véhiculent cette joie de vivre dehors sous un beau ciel bleu et ce sens du contact !
Alors quoi de mieux que de visiter la ville au travers d’activités oenotouristiques…
L’Espagne est le deuxième plus grand pays producteur de vin derrière l’Italie et devant la France. Ce pays aux climats et paysages très variés propose plus de 250 sortes de cépages dont les plus connus et à ascension sur les marchés étrangers sont le Grenache (cépage importé en France au Moyen Age), le Tempranillo (le cépage le plus symbolique du pays caractérisé par une structure tannique, une robe rouge sombre et un goût racé, connu surtout dans le Ribera del Duero) et le Monastrelle (Mourvèdre en français, connu pour son côté épicé). Il y a environ 70 appellations dont 14 vins de pays. L’Espagne étant un grand pays, permet d’offrir une grande variété de styles de vins par ces 3 régions climatiques principales : la brise méditerranéenne d’un côté, la chaleur du climat continental dans les terres pour des vins corsés et la fraîcheur océanique apportant de l’acidité aux vins, des tannins et de la violette ! Il ne faut pas confondre les appellations avec les dénominations affichées sur les étiquettes des vins espagnols qui indiquent le nombre d’années et le mode de conservation du vin. Ainsi, on va retrouver :
- Joven : des vins jeunes restés très peu en barrique, ce sont des vins de table!
- Crianza : reconnu comme « vin de qualité »avec minimum 24 mois de vieillissement dont 6 mois en fûts de chêne.
- Reserva : un vin vieilli au moins 36 mois dont 12 mois en fûts de chêne.
- Gran Reserva : 5 ans de vieillissement au minimum, dont 18 mois en fûts de chênes et 42 mois en bouteille (vins de garde d’exception avec beau potentiel, surtout les Rioja).
Je comprends lors de mes séances qu’une belle région de vins reste la Rioja au Nord de Madrid.
Nous avons ainsi effectué 3 types d’activités.
La première activité et d’ailleurs la plus originale, a été la dégustation du Vermouth (Vermut en espagnol, vin fortifié et aromatisé traditionnel de l’Espagne) et de vins au sein de 3 tavernes espagnoles. La visite guidée s’est fait en intimité avec Jimena, notre guide spécialisée en œnologie, originaire du Venezuela et venue s’installer en Espagne depuis quelques années. Jimena propose différentes formules de découverte des vins espagnols sur son site : https://colorfulwines.com !
Notre guide nous a donnés rendez-vous à la sortie du métro dans le quartier de Chueca, un quartier vivant aux nombreuses petites places entourées de bars ou plutôt tavernes et des rues affichant de superbes façades aux architectures variées, allant d’un style gréco-classique à des styles art déco ou encore industriels. Ce quartier est connu comme le quartier gay de la ville, l’équivalent du Marais à Paris. Jimena nous explique que 13h est l’heure du Vermouth (La Ora del Vermut), qui est la pause autour de ce verre de vin fortifié style « Porto », avant la pause déjeuner de 14h. Le Vermout est servi en « pression » avec quelques tapas locales. Nous voici donc dans la Taverne Angel Sierra sur la plaza de Chueca… une magnifique taverne à la façade en bois sur laquelle je n’ose pas imaginer le nombre d’heures travaillées par les menuisiers locaux.
A l’intérieur, on retrouve une ambiance sombre apportant une sensation de fraîcheur face à la chaleur extérieure. Le plafond est peint d’une superbe fresque, un long bar en chêne foncé traverse la pièce sur lequel sont apposés de nombreux objets au style brocante, exposant notamment une ancienne pompe à Vermouth. Les locaux sont accolés debout le long de ce bar, savourant quelques tapas de cornichons, anchois, sardines et poivrons avec leur verre de la précieuse boisson fortifiée. Un verre servi en pression de Vermout coûte entre 1,7€ et 3€. Notre première dégustation démarre avec le Iris de Reus (Catalogne). Ce vin fortifié contient en général entre 17 et 22% d’alcool. Des herbes, souvent des plantes aromatiques y sont ajoutées ainsi que du caramel pour lui apporter sa couleur foncée. La base de ce vin est un vin blanc (70%) auquel on ajoute la mistelle (moût de raisin), les herbes et le caramel.
Puis, nous marchons quelques rues, contournons le Mercado San Antón (un marché local avec bar et restaurant sur le toit, plébiscité par les locaux du quartier) et arrivons dans une deuxième taverne au bar accueillant et aux murs parés d’azulejos très colorés (les fameux carrelages d’influence andalouse, eux-mêmes importés du Maghreb) : La Carmencita. Sur le mur face à notre table est exposée toute une collection de Vermouth, des cuvées spéciales, des réserves… Bref, il existe toute une panoplie selon les régions et les recettes de fabrication de chaque producteur local. Il n’y a pas d’année. Le Vermouth se boit lorsqu’il est produit et chaque fabricant a sa propre recette, ce qui multiplie les combinaisons possibles de saveurs et arômes. Cette fois-ci, nous dégustons un Vermouth moins amer, moins sucré et un peu plus épicé avec de délicieuses olives : le Castell de Siurana. C’est une « reserva », c’est-à-dire avec un vieillissement plus long en fûts de chêne.
Enfin, nous terminons notre dégustation un peu plus loin dans le quartier à Stop Madrid Taberna avec la dégustation de 3 vins, le tout accompagné de divers fromages dont le Manchego et des jambons espagnols. Le premier vin provient de la région de Galice : Milríos Valdeorras, un vin frais aux notes citronnées, gras sur le palais avec un peu d’acidité apportée par la fraîcheur de l’Océan Atlantique. Il va étonnamment de pair avec un fromage léger espagnol. Puis, nous passons à un rouge aux notes de cerise comme le Grenache, avec « Piedra » de Tinta de Toro, dont le cépage est un clone du Tempranillo. Enfin, nous terminons la découverte avec Jimena autour d’un dernier rouge de la région Rioja : Cantos de Valpiedra, un vignoble familial aux vendanges manuelles. Ce vin aux notes acides, terreuses et animales se marie très bien avec des boquerones (sorte d’anchoïade) pour aller de pair avec l’acidité.
Nous poursuivons la fin d’après-midi avec une autre séance œnologique mais cette fois-ci dans une salle de restaurant… Il est vrai qu’une visite en marchant en ville de taverne en taverne avec un cadre de décoration propre à chaque taverne apporte tout son charme à la dégustation. Cette fois-ci, la séance est plus sérieuse avec une présentation des vins espagnols, des divers cépages et une dégustation de nombreux vins, risquant de rendre la soirée difficile en l’absence de crachoirs… Nous dégustons ainsi 2 vins blancs et 5 rouges. Pour faire dans l’originalité, l’expert nous a fait déguster deux vins rouges des îles Canaries et avec surprise, nous y retrouvons dès le premier nez, les arômes de soufre et d’allumettes brûlées, arômes reflétant typiquement ces terres volcaniques (Tacoronte Acentejo, Crater 2014 et 7 Fuentes, Tenerife 2016). Bien entendu, c’est un vin original par son effet de surprise au nez mais qui ne mérite pas de grosses dépenses car son palais reste assez « particulier » et inhabituel. Les deux blancs étaient très intéressants : le premier vin originaire de Catalogne irait à merveille avec un plateau de fruits de mer ou d’huîtres grâce à sa minéralité et ses notes citronnées (Jaspi Blanc) apportées par la Grenache blanche (70%) et le Macabeo (30%) tandis que le second vin blanc de Madrid, aux reflets plus dorés apporte avec ses 60% d’Airen et 40% Moscatel des notes de fruits tropicaux, idéales pour un apéritif estival ! Je n’ai pas été convaincue par l’ensemble des rouges dégustés comme celui d’Alicante (Petit Pora) aux divers cépages Monastrelle, Cabernet Sauvignon, Garnacha Tintorera. Néanmoins, je pourrais en retenir un : Solera, Bodegas Mouriz aux reflets violets, 100% cépage Tempranillo et aux vignes de plus de 80 ans, vieilli 12 moins en fûts de chêne américain. Il apporte des notes de fruits noirs et de mûres en bouche.
Enfin, nous terminons la soirée dans un autre quartier très branché et fréquenté par les madrilènes à la Casa Gonzalez (près du Palais des Ducs de Santona), bar à tapas réputé pour sa sélection de plus de 210 vins et ses nombreuses planches de fromages. C’est là que j’ai enfin trouvé un fromage digne d’une française : c’est-à-dire un fromage qui sent fort et au goût prononcé, proche d’un Bleu d’Auvergne !
Casa González, bar à tapas, calle del León, Madrid.
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